Le cheval, au passage

Il y a quelques années, j'ai dû enjamber quelques obstacles. Je connaissais des difficultés sur à peu près tous les plans: argent, affaires, coeur, famille... il ne restait plus grand'chose de ma vie. J'étais au tapis.

Je cherchais désespérément un endroit où monter à cheval, qui ne soit pas un endroit où je dûs supporter l'homme un peu plus.
Après avoir essayé la plupart des clubs du département, soit plus d'une vingtaine, c'est pas hasard que je suis arrivé chez Yvette.

Je passais fréquemment sur cette route, mais n'avais jamais remarqué son petit club, un peu en retrait vers les bois. C'est donc en accompagnant un ami voisin, dont les enfants montaient, que j'ai pu prendre contact.

Je fus heureux de pouvoir me trouver enfin dans une ambiance de colonie de vacances ! Ca nous changeait des éternelles usines à cavaler, où l'argent et la prétention empêchent tout le monde d'avancer comme il faut.

Yvette m'a accompagné dans mes premiers pas. Non pas comme on forme un cavalier, mais plutôt comme on ramasse un clochard sous la neige à Paris la nuit; et c'était exactement ce qu'il me fallait. J'étais tombé, il fallait me relever.

Mille fois MERCI, YVETTE !

Les chevaux ne tardèrent pas à me parler, dans leur langage de muets, et ça c'est une autre histoire !

Bien des chevaux mal mis gagnent des concours. Trop à mon goût. C'est mal évaluer les bêtes.

Il y a même toujours des chevaux très bien classés, dont on peut douter de la bonne disposisiton. Ces chevaux bouillonnants et écumants, qui sont premiers au chrono, et volent littéralement par dessus les obstacles...

Les chevaux chauds, en effet, sont reconnus par l'équitation classique comme étant fuyants, car souffrant de quelque douleur, de leur cavalier, de mauvais équilibres, ou de leur propre raideur, acquise au fil des mauvais exercices. Vérifiez, c'est écrit depuis des lustres.

Ces chevaux bouillants, donc, qui se classent, ne font à mes yeux que montrer au public le résultat applaudi des souffrances et du désespoir.

On pourrait les reprendre et régler tous leurs problèmes, qui sont finalement les nôtres, en les mettant entre de bonnes mains. Ils donneraient, c'est sûr, les mêmes prestations, voire mieux, dans de bonnes conditions. Mais voilà c'est toujours pareil ...

Ces chevaux passeront en fait leur vie à tenter de fuir tout ce beau monde. Et dans leur cavale, ils nouent chaque mètre un peu plus, les cordes de leur esclavage, victimes des bons temps qu'ils font dans la peine.

Les cavaliers fiers se montrent à tous, bien mis sur leurs chevaux, car ils ne veulent pas qu'on regarde leurs chevaux qui sont mal mis.

Le cheval est contre le mors; moi aussi.
Aucun mors suffit.

Je me dois de citer Baucher, bien qu'il fût adepte d'un certain type de mors portant son nom.  Car c'est de son esprit qu'il s'agit là et non de sa méthode:

" Si on avait voulu remonter un peu à la source des résistances, on aurait reconnu bientôt que la roideur de la mâchoire ne provient pas de la différence de conformation des barres, mais bien du mauvais équilibre du cheval. C'est donc en vain que nous nous suspendrons aux rênes et que nous placerons dans la bouche du cheval un instrument plus ou moins meurtrier; il restera insensible à nos efforts tant que nous ne lui aurons pas donné cette légèreté qui peut seule le mettre à même de céder. "

Encore et toujours, c'est d'équilibre dont il s'agit. Le jeu de mots EQUI-LIBRE est bien fondé: un cheval en équilibre, est un cheval libre, car il n'a plus besoin de la force pour être mené !
On trouve des milliers de raisons pour vous expliquer autre chose, on trouve des milliers de remèdes par la violence et la torture, mais on ne fera que tourner en rond tant qu'on ne saura mettre les chevaux correctement: dans l'EQUILIBRE, et donc dans la FINESSE.

Si on promenait un peu plus nos chevaux à pied, on les traiterait peut-être moins comme des chiens.

On devrait tous dire merci à notre cheval de bien vouloir nous éduquer.

Le cheval domestiqué est à notre image:

Il apprend très vite avec une excellente méthode.
Lentement avec une méthode imparfaite.
Pas du tout dans la mauvaise.

Cependant, il recule devant la bêtise pour ne pas nous y rejoindre.

Les mauvais chevaux font de bons cavaliers. Pas l'inverse.

Je suis étonné et déçu que la pédagogie qui est nécessaire pour imprégner de l'Esprit du Cheval les débutants et souvent les anciens ne se trouve nulle part dans les leçons.

Rien, mais alors rien, n'évoque l'étude comportementale du cheval, soit en gros l'éthologie, dans les leçons d'équitation dispensées ici et là.
La FFE n'abonde pas en ce sens non plus. Elle nous dit juste que "Le cheval, c'est trop génial !" Lamentable.

Les gens débarquent donc de leurs voitures, sautent à cheval, et repartent 60 minutes plus tard.

Il n'y aura pas eu de théorie pratique, d'éthologie, on n'aura répondu à aucune question, on ne se sera pas assoupli ou échauffé. On n'a pas le temps.

C'est le meilleur moyen de former des cavaliers tendus, ignares, raides, empressés, colériques ... et d'obtenir en même temps des chevaux déprimés, ouverts, roides, trop chauds ou trop froids, déséquilibrés, et tristes.

Bref, cette école, par ce simple manque de l'ESPRIT DU CHEVAL, a le don de faire de mauvais cavaliers sur de mauvais chevaux, et tout ceci d'une seul trait.

Il est fréquent que l'on prête au chevaux des intentions mauvaises.

"Il fait semblant d'avoir mal", "il fait ça pour m'énerver", "il est têtu"; les mauvais cavaliers n'ont de cesse de poser le tort sur leur cheval, ils pensent que cela les déleste du leur.

C'est grave, car les jeunes gens qui les écoutent y croient, et ensuite, il sera difficile de leur enlever de l'esprit que le cheval est un animal PUR, INNOCENT, et incroyablement DOCILE.

Mais allez, si les chevaux étaient aussi malicieux, ça se saurait. Je veux dire que dans la littérature classique (en gros étalée sur 2500 ans), on verrait inscrit au moins une fois ou deux quelque part: "attention, les chevaux sont très intelligents et particulièrement enclins à vous causer des problèmes; il faudra beaucoup de force et de violence ... patata"

Allons, mesdames, messieurs, vous savez bien qu'il est du propre de l'homme dans tout le monde, que d'être tordu, fourbe, et vicieux. Reconnaissez vos limites de compréhension, et remettez-vous en à une personne qui ait de l'esprit quand vous rencontrez vos problèmes. Je dis bien VOS problèmes.